Commémoration du 11 novembre
C'est dans le vent glacial qu'un groupe d'élèves du collège Laurent Eynac a participé à la cérémonie de commémoration de l'armistice de la guerre de 1914-1918 ce 11 novembre 2024.
La cérémonie a été animée par l'Harmonie St Chaffre, les discours des Anciens combattants et la lecture de la lettre du Ministre des Armées par M. le Maire. Des élèves du conseil municipal des jeunes ont déposé les gerbes au pied du monument encadré par des porte-drapeaux avant la minute de silence. En présence des pompiers et de citoyens, les élèves des deux collèges ont lu leurs textes. Le choix des élèves du collège Laurent Eynac s'était porté vers deux lettres de poilus. Celle d'un violoncelliste célèbre, Maurice Maréchal, hommage aux nombreux musiciens de la cité des Mange chèvre et celles d'Etienne Tanty. Deux expériences de guerre déjà terribles en ce début de l'année 1914. 110 ans après, leurs mots rappellent à quel point construire la paix est essentiel.
Lettre 1 : Maurice Maréchal
En Aout 1914 c’est le déclenchement ce que qu’on appellera la Grande Guerre, celle de 1914 à 1918 .
Voici un texte qui est une lettre écrite par Maurice Maréchal. Il avait vingt-deux ans en 1914. Entre 1914 et 1919, le matricule 4684 classe 12, il fut soldat de 2e classe et agent de liaison.En mai 1915, un poilu lui fabriqua un violoncelle avec les morceaux d’une porte et d’une caisse de munitions. Ce violoncelle signé par les généraux Foch, Pétain, Mangin et Gouraud est aujourd’hui conservé à Paris, à la Cité de la musique. En effet, après la guerre, il deviendra l’un des plus grands violoncellistes du monde : l’égal de Casais et l’un des maîtres de Rostropovitch. Il raconte la guerre en ce début de septembre 1914, il y a 110 ans.
Lundi 7 septembre
Je chantais Victoire, Victoire. Ma jeune poitrine respirait à pleins poumons, je buvais l’air frais, je buvais les quatre canons pris ce matin, les Allemands repoussés de quinze kilomètres. J’avais vu des blessés ce matin à la ferme, j’avais donné à boire à tous. Il y avait peut-être une centaine d’Allemands et des Français. Et voilà que pour la première fois nous allons de l’avant. Et toute ma belle joie enfantine est envolée. Là un lieutenant du 74e, là un capitaine du 129e ; de tous côtés par groupes de trois, quatre, quelquefois isolés et encore dans la position du tireur couché, gisent les pantalons rouges. Ce sont les nôtres, ce sont nos frères, c’est notre sang. On en amène un : il n’est pas mort, mais une plainte, qui n’est plus qu’un râle, sort, vagissement ininterrompu. Pauvre petit, sans soutien, qui n’a pas de maman pour le consoler. Il a une plaie béante à la tête, il va mourir. J’ai vu sa médaille « Louis Barrière, 4e Bureau, 1913 », il a vingt ans. Plusieurs sont adossés à des arbres le long de la route, on s’occupe peu d’eux. Il n’y a rien à faire, n’est- ce pas ! Le pansement individuel, et c’est tout. Ah ! Horribles gens qui avez voulu cette guerre, il n’y a pas de supplices dignes de vous ! Hier, derrière le mur d’une ferme, j’avais vu, sac au dos, un réserviste du 129e, fusillé le matin : il avait volé une poule.
Maurice MARÉCHAL
Lettre 2 : Etienne Tanty
En 1914,Étienne avait vingt-quatre ans. il était étudiant en philosophie, et déjà sous les drapeaux lorsque son service militaire déboucha sur la guerre. Il appartenait au 129e régiment d’infanterie et fut blessé le 25 septembre 1915 à Neuville-Saint-Vaast. Soigné pendant près de six mois, il fut renvoyé au front et fut fait prisonnier à Tahure le 21 mars 1918. Il fut libéré de son camp de prisonniers et rapatrié le 15 décembre 1918, puis démobilisé le 8 août 1919. Il raconte la guerre en ce début de ces mois de septembre et novembre 1914, il y a 110 ans.
20 septembre 1914
Nous venons de passer une terrible semaine. D’ailleurs, depuis notre départ de la Francheville, il me semble qu’il n’y a plus ni nuit ni jour, c’est la même journée qui se prolonge à travers la lumière et l’ombre, parmi les marches forcées et les combats, parmi les souffrances physiques et morales. La réalité dépasse notre imagination et cela me paralyse d’écrire. Aussi je laisse toute cette histoire que je vous dirai, s’il m’est jamais permis de revenir au monde.
Novembre 1914
Je ne sais pas l’heure, je ne sais plus l’heure, je n’ai plus la notion du temps autrement que par le soleil et l’obscurité. Il fait grand jour et beau jour, le ciel d’automne est lumineux, s’il n’est plus bleu. Je l’aperçois par-dessus le remblai de terre et de cailloux de la tranchée, et mon sac me sert de fauteuil, mes genoux touchent la paroi pierreuse : il y a juste la place de s’asseoir et la tête arrive au niveau du sol.
Près de moi j’ai mon fusil, dont le quillon se transforme en porte manteau pour accrocher la musette et le bidon. Dans le bidon il reste un peu de bière, dans la musette il y a du pain, une tablette de chocolat, mon couteau, mon quart et ma serviette. À ma gauche, le dos énorme d’un camarade qui fume en silence me cache l’extrémité de la tranchée ; à droite un autre, couché à moitié, roupille dans son couvre-pied.
Le bruit affaibli des conversations, le cri d’un corbeau, le son d’un obus qui file par instants vers les lignes françaises troublent seuls le silence. Nous sommes sales comme des cochons, c’est-à-dire blancs comme des meuniers car cette terre est comme de la farine : tout est blanc, la peau, le visage, les ongles, la capote, les cartouchières, les souliers.
Étienne Tanty